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Conclusion

Conclusion

La pédagogie active dont, parmi beaucoup d’autres, mon expérience ne représente qu’une des formes qu’elle peut prendre, existe depuis toujours. Elle a donné et elle donne, depuis toujours, de très bons résultats.
Pour s’en tenir à notre seule époque, après l’extraordinaire apport de Maria Montessori dans le cadre scolaire, un vaste mouvement de réflexion s’est développé à partir des années, disons, 1950 -70 (principalement aux Etats-Unis, mais aussi ailleurs) préconisant l’organisation systématique du travail par petits groupes ; c’est la « pédagogie active », la « pédagogie participative », la « pédagogie coopérative » (Voir le paragraphe 70). Toutes s’appuient sur les idées de réflexion personnelle, de liberté de l’apprenant, de satisfaction de ses besoins par l’éducateur, de participation, d’entraide. Mises en application, leurs résultats dans les contextes les plus variés sont probants.
Comment se fait-il, alors, que ces pédagogies n’aient pas encore été adoptées par toutes les écoles, et que les principes sur lesquels elles sont fondées ne soient pas largement appliqués pour l’enseignement des adolescents ou des adultes, à l’université et dans le cadre de la formation professionnelle ?Force est de constater que l’enseignement, dans tous ces contextes, est encore très majoritairement resté fidèle à la pédagogie dite « traditionnelle ».
Le « professeur qui parle » est toujours là. Comme toujours, de sa « chaire » Katedra, il édicte les « catégories » Kategoria : (= les jugements que l’on porte sur les choses qui font qu’on peut les comprendre et les classer). Et « kata », en grec, ça veut dire « vers le bas ». C’est ce qui va du haut vers le bas. Socrate et madame Montessori n’ont qu’a aller se rhabiller. (Que les professeurs ne s’inquiètent pas de cette remarque, la suite de mon propos les vengera largement).
Pourquoi ? Il y a là un mystère qui doit être élucidé.
Je disais que les pires ennemis de la pédagogie active se trouvent en nous-mêmes. Je l’ai ressenti à mes dépens, et aux dépens des apprenants qui me faisaient confiance.
Je suis sûr que d’autres praticiens convaincus ont suivi la même pente.
Que l’on ne prenne pas la remarque suivante trop au sérieux, mais ne peut-on penser que Socrate lui-même s’est laissé aller ? Il suffit de lire nombre des dialogues qui le mettent en scène pour constater que c’est lui qui explique et qui échafaude les raisonnements, ses disciples se contentant de ponctuer de loin en loin ses discours par des : « Tu as raison Socrate ! » ou « Ce que tu dis-là est incontestable ! » Fatigue d’un vieux philosophe qui n’a pas su résister à la tentation de redevenir un professeur qui parle ?
Cette raison n’est évidemment pas suffisante car, si elle peut expliquer que certains puissent abandonner la pédagogie active, elle n’explique pas le fait que la majorité des éducateurs n’aient jamais pu, même, envisager de la pratiquer.
Récusons aussi quelques-uns des faux arguments qui sont parfois avancés :

  • Le rayonnement limité de la pédagogie active ne relève pas d’un vice caché comme en ont ces méthodes qui permettent d’apprendre des choses en un rien de temps, mais que l’on oublie aussitôt. Au contraire, chacun lui reconnaît volontiers ses effets profonds et durables.
  • Il ne dérive pas d’une opposition qui se nourrirait de l’idée qu’elle serait ennemie de l’excellence et qu’elle aurait un agenda secret ; de contestation de l’autorité, de destruction de la culture ou de promotion d’un égalitarisme utopique. Cet argument idéologique est sans valeur.
  • Il n’est pas, non plus, le résultat d’un « complot » fomenté par une caste de professeurs attachés à leurs privilèges. Cette idée polémique n’est évidemment pas sérieuse.

Les vrais raisons qui expliquent que la pédagogie active ait encore l’air d’en être restée au stade expérimental (alors, je le répète, qu’elle est vieille comme le monde) sont autres.
Il s’agit d’obstacles, tout à fait réels et pratiquement « mécaniques », sur certains desquels cet ouvrage a déjà beaucoup insisté, et qui sont là pour barrer la route.
Et pourtant... En un temps,- notre temps,- où tant de forces allant dans le bon sens sont à l’œuvre, il est légitime de penser que, si l’on y travaille avec détermination et courage, ils seront surmontés, et que l’état de déliquescence dans lequel se trouvent les systèmes éducatifs de nombreux pays n’est absolument pas une fatalité.
C’est ce que je vais tenter de montrer dans les quelques paragraphes de cette conclusion.

© Nicolas WAPLER- Septembre 2007