socrate
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Chapitre III - L'épreuve de la durée

65 - L’apport des apprenants dans la qualité d’un matériel

Ai-je été l’auteur exclusif de mon matériel ? Apparemment oui, puisque c’est moi qui ai toujours tout écrit, tout corrigé, tout mis en forme. Mais c’est plus une apparence qu’une réalité. En fait la contribution des apprenants, de ceux qui ont fait les exercices, manipulé les unités de sens et discuté de leur contenu, est immense.

Ils m’ont signalé des maladresses, des erreurs et des obscurités que je ne voyais pas. Parfois des inconséquences ou d’inutiles détours de la pensée.
Ils m’ont souvent inspiré des améliorations par des idées qui éclairaient vivement un aspect important qui m’avait échappé.
Ils m’ont permis, - et plus d’une fois, - de faire des « découvertes » d’une grande portée concernant la connaissance même de mes matières. J’ai parfois refondu des chapitres entiers autour de quelques-unes de leurs intuitions. Ils m’ont aidé jusque dans mon métier de consultant. Une certaine idée-clé concernant l’organisation bancaire que j’ai exploitée pendant des années, c’est un apprenant (tout à fait débutant) qui me l’a suggérée.
Même le manque d’enthousiasme qu’ils me montraient en certains endroits, me guidait pour apporter des améliorations. Lorsque le philosophe chinois, Lao Tseu, avait terminé une page, il la donnait, dit-on, à sa servante. Celle-ci, une main appuyée sur son balai, la lisait. Lorsque le maître voyait dans les yeux de la femme cette absence de lueur qui exprime l’incompréhension, il froissait la feuille et se remettait à son écritoire.

Dernier point : Mes unités de sens et mes exercices contenaient tant d’informations, de chiffres, de signes et de symboles qu’il était inévitable qu’on y trouvât quantité d’erreurs, fautes d’orthographe, coquilles, mots impropres ou mots qui n’étaient pas compris par tous, chiffres inversés, ponctuation fautive, calculs erronés etc. (*) Ce sont les apprenants qui m’ont permis d’éliminer ces imperfections, car rien ne leur échappait.

Les usagers d’un matériel pédagogique sont comme un immense stock de remarques, de conseils et d’idées. Et il est merveilleux de pouvoir y puiser à pleines mains.

(*) Lewis Carroll, l’auteur d’Alice au Pays des Merveilles, était un très sérieux professeur auteur de nombreux ouvrages scientifiques. Il prétendait qu’il était impossible de rédiger un manuscrit vierge de fautes, quel que soit le mal qu’on se donne pour le corriger.

© Nicolas WAPLER- Septembre 2007