J’ai dit plus haut que beaucoup de mes interlocuteurs semblaient intéressés par ce que je leur disais, c’est vrai, mais il faut aussi parler de ceux qui avaient une attitude de rejet. Ils n’étaient pas la majorité mais représentaient un pourcentage substantiel.
L’acceptation en théorie :
Écoutons les premiers : « Mais bien sûr ! Tout ce que vous dites est évident ! Il y a plus de dix ans que nous pratiquons la pédagogie active dans notre entreprise ! » Ils se lançaient alors dans de véritables philippiques contre la pédagogie traditionnelle et ses défenseurs, contre l’étroitesse d’esprit des milieux de l’enseignement et de la formation en général.
Il m’est parfois arrivé de pouvoir vérifier ce que cette attitude contenait réellement. Je résume :
Les efforts qu’ils faisaient dans ce sens se voyaient par leur utilisation d’un certain vocabulaire et par l’importance que revêtaient, à leurs yeux, le dialogue, l’accessibilité du moniteur par les apprenants, l’abondance des exercices, la nécessité de groupes réduits (mais toujours trop nombreux).
Au delà de ces quelques aspects purement formels, ils se montraient, en fait, incapables de remettre en cause le grand principe de la pédagogie traditionnelle, ce message qui doit venir d’en haut et qui doit posséder toutes les qualités requises de cohérence, de précision et de logique. Il craignait que « l’esprit » dont je parlais, allait détruire cela, qu’il ouvrirait la porte à l’imprécision, au désordre, à l’amateurisme. D’où un malaise qui les paralysait.
Certains ont eu la gentillesse de m’inviter à assister à certaines de ces formations soi-disant « actives ». Ce que j’ai vu n’était pas autre chose que des « professeurs » et des « élèves » ; certes des professeurs accessibles, talentueux et agréables, mais des professeurs qui « parlaient ». Rien qui ressemblât à ce que j’avais vécu.
Le rejet de principe :
Il était souvent le fait de gens qui n’avaient jamais entendu parler de pédagogie active, sinon en termes négatifs.
Pour eux, il était invraisemblable qu’une connaissance puisse être acquise autrement qu’à travers un discours fait par un professeur. Le résultat, l’acquisition de connaissances nouvelles, dépendait donc presque exclusivement :
La pédagogie du professeur se limitait à trois éléments :
Ils reconnaissaient l’importance de facteurs tels que l’utilisation d’un matériel technique moderne (à l’époque il s’agissait principalement du rétroprojecteur et, éventuellement, de films).
Certains aspects, comme le nombre d’apprenants dans une formation, leur était pratiquement indifférent : « Ce qui est bon pour neuf personnes est forcément bon pour trente ».
Un autre argument que j’ai souvent entendu était celui-ci : « Votre méthode ? Elle est faite pour les Anglo-Saxons. Elle ne peut pas marcher chez nous. Nous, Français, nous sommes trop cartésiens ! »
J’avais beau dire que j’avais fait des dizaines de séminaires en France et que jamais je n’avais remarqué une efficacité moindre du fait d’un quelconque caractère national spécifiquement français. On ne me croyait pas.
Devant de telles difficultés, je renonçais rapidement à toute tentative de m’occuper de conseil en pédagogie, faute, pensais-je, d’un marché assez mûr auquel j’aurais eu accès.
Mais peut-être, aussi, n’étais-je, moi-même, pas assez mûr pour ce travail.