Dans « Le Premier Homme » Albert Camus raconte ses souvenirs d’enfance, sa famille, très pauvre, les gamins avec lesquels il jouait dans les rues d’une banlieue d’Alger. Aucun adulte de son entourage ne savait ni lire ni écrire. Il fallait pourtant gérer au plus près les maigres ressources de la maisonnée et donc, prévoir et calculer. C’est sa grand-mère, analphabète elle aussi, mais forte femme, qui s’en chargeait.
« Elle faisait ses comptes avec un système de ronds qui, selon qu’ils étaient rayés une ou deux fois, représentaient l’unité, la dizaine ou la centaine. »
Camus ne nous dit pas si sa grand-mère avait hérité ce système d’une antique tradition ou si elle l’avait inventé. Il ne nous dit pas non plus comment elle l’utilisait, mais il est facile de le deviner.
Imaginons-la, penchée sur la manière d’utiliser au mieux son budget mensuel de 245 francs. Elle aurait d’abord noté cette somme de la manière suivante :
- Ensuite, elle aurait répartis ces symboles entre les différentes enveloppes de ses dépenses :
Qu’aurait-elle dit à l’instituteur du petit Albert, monsieur Germain, si ce dernier avait voulu l’initier à la magie des chiffres ? Certainement que son système à elle était beaucoup plus commode ! Et il l’était, véritablement, car il permet de « voir » les quantités, d’additionner et de soustraire, directement, sans recours à d’incompréhensibles abstractions. Qu’aurait pensé de ce système Maria Montessori qui n’a finalement pas trouvé autre chose pour familiariser les enfants avec l’arithmétique.