Il existe dans notre culture, nous l’avons vu, un sentiment bien ancré : La science descend du professeur ! Son devoir est de la transmettre lui-même, personnellement, à ses élèves. Pas question de trébucher sur une question, il se déconsidèrerait. La pédagogie active consiste évidemment à se libérer de cette idée et à en libérer les apprenants, pour travailler, on le sait, tout autrement.
Aucun éducateur, pourtant, n’arrive à se débarrasser totalement de ce préjugé qui peut, par moments, l’« intimider » au point qu’il n’ose plus inciter les apprenants à partager avec les autres ce qu’ils savent, à trouver par eux-mêmes les raisonnements adéquats ; comme il n’ose plus avouer qu’il y a des choses qu’il comprend mal et qu’il convient de chercher tous ensemble.
Échapper à la pression des apprenants qui ont en tête ce type de schéma suppose une énergie que l’on a pas forcément tout le temps.
Pas facile dans ces conditions de rester le tuteur efficace tel que nous l’avons décrit, et il est si tentant de se dire : « Ah, ils veulent savoir si j’ai, moi-même, compris le phénomène complexe dont nous parlons, si j’en maîtrise tous les aspects mathématiques et statistiques ! Eh bien je vais les servir ! Les enfants, accrochez-vous ! Je vais vous en donner pour votre argent. »
Il est clair que tout le monde y perd ; et cela, uniquement pour permettre au tuteur de gagner (ou conserver) un prestige factice dont personne, pas même lui, ne peut profiter.
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