Résister à ces pressions, parfois ouvertes, souvent occultes, mais constantes ? Comment aurions-nous pu le faire ? Nous percevions nos professeurs comme tellement hauts placés, tellement supérieurs à nous qui étions des enfants alors qu’eux appartenaient au monde des adultes, à nous qui ne savions rien alors qu’eux savaient tout, à nous qui devions obéir et nous soumettre à leurs instructions.
Notre première préoccupation était de ne par enfreindre l’ordre dans lequel ils nous encadraient. Nous étions soumis, obéissants, respectueux, timides, n’osant pas montrer que nous ne suivions pas de peur de déranger ces professeurs déjà si patients et qui, certainement, nous présentaient leur matière du mieux qu’il était possible. Jamais nous n’aurions eu l’idée de les juger, de penser qu’ils auraient pu s’y prendre autrement avec nous (ce que d’ailleurs ils ne pouvaient pas, je l’ai compris, mais des années plus tard).
Parfois, nous étions submergés par des bouffées de révolte, dont nous ne comprenions d’ailleurs pas les raisons, mais nous n’en laissions rien paraître car nous savions qu’elles seraient impitoyablement réprimées. Nos révoltes restaient le plus souvent secrètes.
Il nous aurait fallu, pour casser cette mécanique qui nous empêchait d’accrocher et de comprendre, un courage et un sens critique que nous n’avions pas. Il aurait fallu que nous soyons capables de prendre du recul par rapport à notre situation.
Malheureusement, ces trois vertus, courage, sens critique, recul, qui sont les véritables leviers du progrès dans la connaissance, nous faisaient entièrement défaut car elles étaient, dans notre environnement, interdites de séjour. Nous étions incapables de comprendre que les causes de nos difficultés étaient inhérentes au système d’enseignement dans lequel nous étions plongé.
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