Parmi toutes les raisons qui poussent quelqu’un à jeter l’éponge, il en est qui sont plus faciles à combattre que d’autres. Citons les plus fréquentes :
Certaines personnes ne veulent pas prendre la parole parce qu’elles sont peu sûres d’elles-mêmes, parce qu’elles supportent mal d’être au centre de l’attention générale. Leur expérience, qui est peut-être celle de toute leur vie, est que quand elles parlent, on ne les écoute pas, on les rabroue, on les contredit. Elles éprouvent parfois, lorsqu’elles sont en situation d’apprentissage, un très fort sentiment d’infériorité du type : « Je suis un(e) incapable » - « Je n’y arriverai jamais », qui peut entièrement les paralyser. Ces personnes que l’on « perd » immanquablement lorsqu’on ne s’en occupe pas ou, pire, lorsqu’on se montre condescendants avec elles, sont les plus faciles à récupérer. Il suffit de les impliquer dans des choses dont on sait qu’elles s’en sortiront bien. Il suffit de leur montrer qu’on les respecte, qu’on les apprécie, de montrer à tous, lorsque c’est le cas, que ce qu’elles ont dit est juste. Il suffit de proclamer lorsque, comme tout un chacun, elles font fausse route, que leur erreur souligne une difficulté qu’elles ont ainsi contribué à mettre en évidence. Et c’est toujours vrai. L’intervention de quelqu’un est toujours intéressante ou utile quand on sait l’utiliser.
On rattrape ces personnes en les valorisant. Il ne s’agit pas d’hypocrite flatterie, mais d’une attitude humaine, normale, celle, d’ailleurs, que nous devrions avoir à l’égard de tout le monde, tout le temps.
Il n’y a pas que la modestie, la timidité ou le manque de confiance en soi qui puissent inhiber la participation de quelqu’un. Le caractère inverse peut avoir le même effet ; le sentiment, justifié ou non, de sa propre supériorité. Il incite parfois à se retirer dans une tour d’ivoire.
Autre problème fréquent, les « secrets » : Ce sont les gens qui pensent ne pas pouvoir s’exposer aux risques que représente la participation.
Troisième type : Les « importants », les « remarquables », à un titre ou un autre.
Nous avons eu dans nos groupes, outre toute une série de dirigeants de très haut niveau, un président de banque connu, un archiduc, un financier qui faisait la une des journaux, un directeur de notre banque qui, à 32 ans, était le bras droit du tout grand président en Amérique… La discrétion des autres apprenants fait qu’ils se trouvent souvent isolés, relégués en une sorte de quarantaine (souvent personne ne va s’asseoir à côté d’eux) dont ils n’osent pas sortir.
A signaler encore le problème inverse : Les gens qui ont la parole facile, les extravertis, les bavards. Ils ont tendance à mobiliser l’attention. Si on laissait les choses aller, on n’entendrait plus qu’eux, on ne s’occuperait que d’eux. Très souvent ils se suscitent un rival, et ce sont deux personnes de ce type que l’on a sur les bras. Eux, suivent, bien sûr, mais ils découragent et éteignent les autres, ce qui n’est évidemment pas souhaitable.
Nous avons rencontré tous ces cas et bien d’autres encore. Nous les avons discutés aussi, de manière à nous déterminer sur ce qu’il convenait de faire pour chacun d’entre eux. Finalement la plupart sont « faciles » à traiter.
J’ai dû faire face à un problème inattendu avec l’archiduc, un jeune homme de 22 ou 25 ans, intéressant, agréable et modeste.
Une altesse impériale, pensais-je, ça peut impressionner. Je l’ai donc présenté pour ce qu’il était, archiduc et descendant en ligne directe de François-Joseph. Mais voilà ! Personne dans le groupe, il est vrai de très jeunes gens, ne savait ce qu’est un archiduc, et personne ne savait qui était François-Joseph ; ce qui prouve bien, d’ailleurs, que les séminaires que nous animions ne supposaient pas une culture générale préalable bien profonde.